URSSAF : attention au formalisme des régimes !

9 juillet 2024

Formalisation des régimes de Protection Sociale Complémentaire

Dans un arrêt du 19 avril 2023 (n° 18/01796), la Cour d’appel de Montpellier a confirmé un redressement Urssaf sanctionnant l’absence de clauses obligatoires dans l’acte formalisant le régime de protection sociale complémentaire. Cette décision permet d’expliciter un débat prégnant en droit des charges sociales.

 

Contexte 

 

> Droit du travail

Le Titre 1er du livre IX du Code de la Sécurité sociale prévoit, notamment, qu’un régime de protection sociale complémentaire doit être formalisé par un acte de droit du travail tel qu’un accord collectif ou une décision unilatérale (article L. 911-1). Il comprend également un chapitre intitulé « clauses obligatoires » listant une série de dispositions devant figurer dans l’acte de droit du travail. Il s’agit, par exemple, des conditions de réexamen, au moins quinquennal, de l’organisme assureur désigné par l’entreprise (article L. 912-2), ou des modalités de revalorisation des rentes en cours de service ainsi que, le cas échéant, le maintien de la garantie décès pour les bénéficiaires de ces rentes et la revalorisation des bases de calcul des prestations relatives à cette garantie décès, en cas de changement d’organisme assureur (article L. 912-3).

> Droit des charges sociales

En parallèle, l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale prévoit que le financement patronal d’un régime de protection sociale complémentaire peut, sous plafond, être exonéré de cotisations de Sécurité sociale. Pour ce faire, plusieurs conditions doivent être respectées, le régime doit notamment être formalisé par l’un des actes de droit du travail listés à l’article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale.

 

Débat juridique

 

> Position de l’URSSAF

La rubrique « protection sociale complémentaire » du BOSS indique que la décision unilatérale doit contenir toutes les clauses obligatoires sous peine de nullité. Cette sanction n’est pas expressément rappelée par le BOSS s’agissant de l’accord collectif, opérant ainsi une distinction dont la cohérence ne paraît pas totalement évidente (§ 580 et 590 du BOSS).

La nullité impliquant l’irrégularité de l’acte de droit du travail, le régime ne serait donc plus correctement formalisé au sens de l’article L. 911-1, ce qui contreviendrait à l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale qui y renvoie. Or, le manquement à cette disposition permet à l’Urssaf de justifier un redressement.

> Défense de l’entreprise

L’article L. 242-1 précité ne subordonne pas expressément l’exclusion de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale au fait que les clauses obligatoires soient effectivement inscrites dans l’acte de droit du travail.

Et pour cause, cette disposition n’opère pas de renvoi aux articles L. 912-2 et suivants du Code de la Sécurité sociale.

Autrement dit, la présence ou l’absence de ces clauses obligatoires dans l’acte ne devrait pas interférer dans le droit des charges sociales.

> Réponse des juridictions

Plusieurs cours d’appel ont été interrogées sur cette question. Certaines confirment le redressement au seul constat de l’irrégularité de l’acte formalisant le régime auquel une clause obligatoire fait défaut (CA Amiens, 11 avril 2019, n° 18/03117 ; CA d’Orléans, 28 février 2017, n° 15/01974 ; 12 janvier 2021, n° 18/01156).

D’autres cours d’appel annulent le redressement opéré par l’Urssaf, considérant que les clauses obligatoires ne peuvent constituer une condition d’exclusion de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale, sauf à ajouter aux textes (CA d’Amiens, 28 février 2019,  n°18/00881, CA de Versailles, 20 mai 2021, n° 20/02365).

En avril dernier, la Cour d’appel de Montpellier a pris position. En l’espèce, l’acte de droit du travail instituant le régime de protection sociale complémentaire ne comportait pas l’ensemble des clauses obligatoires (notamment celle sur le réexamen du choix de l’organisme assureur). Le cotisant ne contestant pas les carences lui étant reprochées, la Cour a confirmé le redressement.

En synthèse

Cette décision de la Cour d’appel de Montpellier affirme que des obligations de droit du travail à la charge de l’employeur, en l’occurrence l’inscription de clauses obligatoires dans l’acte formalisant le régime, peuvent être considérées par les Urssaf, et certaines juridictions, comme une condition d’application du traitement social de faveur pour le financement patronal du régime de protection sociale complémentaire. ou un expert-comptable. En tout état de cause, le montant faisant défaut.