L’adoption d’une loi spéciale en l’absence de lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2025

14 janvier 2025

Adoption d’une loi spéciale : enjeux pour les finances publiques en 2025

 

La loi de finances (LF) et la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) organisent pour chaque année civile le budget, pour la première, de l’État et, pour la seconde, de la sécurité sociale. Le vote d’une mention de censure à l’encontre du gouvernement le 4 décembre 2024 a empêché l’adoption de ces lois, nécessitant l’adoption d’une loi spéciale pour y suppléer.

 

L’absence de LF et LFSS pour l’exercice 2025…

 

Contexte

L’adoption d’une motion de censure le 4 décembre 2024, en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, a entraîné la chute du Gouvernement ainsi que le rejet du texte sur lequel ce dernier avait engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

Autre conséquence, le projet de loi de finances (PLF) n’a pu être adopté avant le 31 décembre 2024.

Le PLF

L’article 1er du PLF renouvelle l’autorisation de perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures. Le PLF régit également les dépenses pouvant être engagées par l’État.

Autrement dit, à défaut de LF, le Gouvernement est dans l’incapacité d’encaisser les recettes et d’engager des dépenses. Enfin, les diverses mesures qui étaient envisagées dans le PLF, telles que l’augmentation du délai de carence pour les fonctionnaires avant de percevoir une indemnisation en cas d’arrêt de travail, sont censurées.

Le PLFSS

Contrairement à la LF, la LFSS n’autorise pas la perception des recettes, elle ne fait que les prévoir. De même, les objectifs de dépenses, votés par le Parlement, évaluent les dépenses mais ne les limitent pas. Toutefois, à défaut d’adoption des diverses mesures correctives envisagées dans le PLFSS, le risque est celui d’une aggravation du déficit de la Sécurité sociale ainsi que celui d’une impossibilité pour l’Urssaf Caisse nationale (l’UCN, ex-Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) d’emprunter afin de couvrir les besoins de trésorerie du régime général. En effet, l’UCN assure la gestion commune de la trésorerie des branches du régime général de la Sécurité sociale. À ce titre, elle compte parmi les organismes habilités à recourir à des « ressources non permanentes », c’est-à-dire des emprunts, dans la limite d’un plafond défini par la LFSS de l’année concernée.

Plus largement, les mesures initialement prévues dans le PLFSS, telles que le plafonnement des IJSS, ne seront pas adoptées à date.

 

…suppléée par l’adoption d’une loi spéciale

 

Cadre de la loi spéciale

L’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que, si la loi de finances n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de l’exercice, le Gouvernement dépose devant l’Assemblée nationale un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année.

Dans un avis du 9 décembre 2024, le Conseil d’État a précisé quelles dispositions pouvaient figurer dans une loi de finances spéciale, étant entendu que celle-ci a pour finalité de permettre qu’interviennent en temps utile « les seules mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ».

Contenu de la loi spéciale

La loi spéciale promulguée le 20 décembre 2024 se limite à quatre articles :

  • le premier autorise l’État à percevoir les impôts existants dans les conditions prévues par la loi de finances pour 2024, jusqu’à l’entrée en vigueur du budget pour 2025. Concernant les dépenses, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, le gouvernement ouvrira par décret les crédits approuvés en 2024 pour les dépenses de l’État,
  • le deuxième concerne la reconduction des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales,
  • le troisième autorise l’État à recourir à l’emprunt, celui-ci étant nécessaire, d’une part, pour financer l’écart entre les dépenses et le produit des impôts existants et, d’autre part, pour refinancer les emprunts venus à échéance,
  • le quatrième article autorise les organismes de Sécurité sociale concernés, dont l’UCN, à avoir recours à des emprunts, afin de répondre à leurs besoins de trésorerie. Et pour cause, par son avis du 9 décembre 2024, le Conseil d’État a considéré qu’« en l’absence d’autorisation de recourir à des ressources non permanentes, les organismes concernés ne seraient plus en mesure d’assurer la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales ».

 

En synthèse, l’adoption de cette loi spéciale maintient le cadre fiscal et celui afférent aux charges sociales applicable en 2024, ceci jusqu’à l’entrée en vigueur des LF et LFSS pour 2025. Toutes les mesures envisagées lors des débats parlementaires concernant les PLF et PLFSS sont écartées jusqu’à nouvel ordre.