Modulation des redressements URSSAF en matière de PSC
La Cour de cassation explicite les obligations probatoires incombant à l’employeur pour que le redressement soit calculé sur une base réduite (Cass. 2e civ., 1er février 2024, n° 22-12.207).
Contexte juridique
Le traitement social de faveur afférent au financement patronal des régimes de protection sociale complémentaire est conditionné, entre autres, à ce qu’ils revêtent un caractère collectif et obligatoire (article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale).
Ainsi, par exemple, le défaut de production d’une demande de dispense – ne serait-ce que d’un seul salarié – peut conduire au redressement de la totalité des contributions patronales finançant le régime car ce dernier ne respecterait pas le caractère obligatoire.
Cependant, pour les contrôles engagés à compter du 1er janvier 2016, l’article L. 133-4-8 du Code de la sécurité sociale organise une dérogation au principe général selon lequel le redressement porte sur la totalité des contributions versées par l’employeur au titre du régime. L’inspecteur peut désormais réduire le redressement « à hauteur d’un montant calculé sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif ».
Le redressement ainsi réduit est fixé à hauteur d’une fois et demi ces sommes lorsque le motif du redressement repose sur l’absence de production d’une demande de dispense ou de tout autre document ou justificatif nécessaire à l’appréciation du caractère obligatoire et collectif. Ce ratio est porté à trois dans les autres cas.
Pour que cette modulation soit appliquée, le texte exige toutefois que l’employeur reconstitue « de manière probante » les sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif (en tout état de cause, l’inspecteur pourra écarter cette modulation dans plusieurs cas, tels que la méconnaissance d’une particulière gravité des règles liées au caractère obligatoire et collectif).
L’arrêt du 1er février 2024
Le contrôle URSSAF
Dans le cadre d’un contrôle, un inspecteur constate que quatre salariés bénéficiaient d’un régime de frais de santé différent de celui applicable aux autres ; ils avaient en effet opté pour une adhésion au socle minimum prévu par la convention collective de branche, alors que l’entreprise avait mis en place un dispositif plus favorable.
Selon l’inspecteur, cette situation remet en cause le caractère collectif du régime. De fait, il procède à une réintégration de la totalité du financement patronal, au motif que l’atteinte portée par la société était constitutive d’une méconnaissance d’une particulière gravité excluant la possibilité de procéder à une modulation.
L’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers
Au regard du nombre limité de salariés concernés et du fait qu’ils n’étaient pas privés d’une couverture de frais de santé, la Cour d’appel a écarté l’argument de l’Urssaf.
En revanche, elle a estimé que la société ne reconstituait pas de façon probante les sommes faisant défaut. En effet, cette dernière a versé aux débats un tableau dont les juges relèvent qu’il mentionne uniquement la part patronale de la garantie frais de santé, à l’exclusion des sommes faisant défaut, et qu’aucun justificatif n’est produit pour étayer les éléments qu’il contient. En outre, ni les conditions de la rédaction de ce tableau, ni l’identité de son auteur ne sont précisées. Sa fiabilité et son authenticité ne sont confirmées par aucune signature, par exemple celle d’un expert-comptable. La Cour maintient donc le redressement.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle que ce n’est que par dérogation au principe du redressement intégral, et à la condition préalable que l’employeur reconstitue de manière probante le montant des sommes faisant défaut, que le redressement porte sur une base réduite.
Aussi, au regard des éléments de fait retenus par la Cour d’appel, la Cour de cassation confirme que le redressement devait être validé pour son entier montant.
En synthèse, pour prétendre à une modulation du redressement, les employeurs doivent se montrer attentifs à la reconstitution des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire ou collectif et à la nature des pièces produites. Elles pourraient, notamment, être étayées par un tiers, tel qu’un assureur, un courtier ou un expert-comptable. En tout état de cause, le montant faisant défaut.