Dans une décision du 15 mai 2024, la Cour d’appel de Rennes (RG n° 22/03293) livre une appréciation didactique du traitement social applicable au financement patronal d’un régime de prévoyance couvrant le risque « arrêt de travail », selon qu’il est affecté au « maintien de salaire » ou à des garanties incapacité, en l’occurrence définies par la convention collective de l’hospitalisation privée à but lucratif (Convention collective nationale FHP).
La mensualisation qu’est-ce que c’est ?
- La « mensualisation légale » (ou maintien de salaire légal)
Les salariés ayant un an d’ancienneté dans une entreprise et sous certaines conditions, bénéficient en cas d’arrêt de travail d’un maintien de leur salaire pendant 60 jours (cette période s’accroit selon l’ancienneté) : 30 jours à hauteur de 90 % de leur rémunération puis 30 jours au 2/3, à l’issue d’un délai de carence de 7 jours.
- La « mensualisation conventionnelle » (ou maintien de salaire conventionnel)
De nombreuses conventions collectives contiennent des dispositions améliorant la « mensualisation légale » en termes d’ancienneté, de franchise, de durée d’indemnisation, de pourcentage de maintien…
- Garanties incapacité
Il s’agit de la période de couverture de l’arrêt de travail qui complète la « mensualisation » ou s’y substitue en tout ou partie. Ces garanties sont déterminées par la branche professionnelle ou par un acte juridique propre à l’entreprise.
Régime social applicable
- Financement de l’obligation de maintien de salaire (légal et conventionnel)
Les arrêts « Volutiques » de 2006¹ posent un principe : la Cour de cassation a jugé que les primes d’assurance versées par un employeur dans le cadre d’un contrat d’assurance souscrit pour garantir son obligation de maintien de salaire légal ou conventionnel, ne confèrent pas aux salariés un avantage supplémentaire. La Cour en a déduit que le financement dudit contrat d’assurance ne pouvait constituer une contribution de prévoyance et n’entrait donc pas dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
- Financement de garanties incapacité
Le financement patronal d’un contrat de prévoyance est exonéré sous plafond et dans certaines conditions de cotisations de sécurité sociale, mais assujetti à la CSG / CRDS et au forfait social.
1. Cass. 2ème civ., 23 novembre 2006, pourvois n° 05-11.364 et n° 05-11.365
Problématique
La distinction entre maintien de salaire conventionnel et prévoyance est ténue car les différents dispositifs d’indemnisation s’entremêlent et se confondent. Or, le traitement social applicable au financement patronal diffère selon qu’il s’agisse de maintien de salaire ou de garanties incapacité. Une distinction doit donc clairement être opérée afin d’éviter tout débat avec un inspecteur du recouvrement.
À ce titre, les magistrats semblent apprécier au cas par cas la nature de l’indemnisation d’un régime de prévoyance en se fondant sur différents indices (qualification du dispositif dans la convention collective, financement de la garantie, durée d’indemnisation…).
Illustration pratique : convention collective nationale FHP
La Cour d’appel de Rennes a considéré que la Convention ,collective nationale FHP ne définit pas une obligation de maintien de salaire conventionnelle. Les employeurs qui relèvent de cette convention collective ne sont donc tenus à l’obligation du maintien de salaire que dans le cadre de la loi sur la mensualisation. Si la convention collective n’améliore pas l’obligation légale de maintien de salaire, elle prévoit en revanche en son article 84 un régime de prévoyance collective obligatoire.
Dans sa décision du 15 mai 2024, la Cour d’appel de Rennes constate que le régime de prévoyance de l’entreprise concernée couvre le risque « arrêt de travail », non seulement pendant la période durant laquelle l’employeur est tenu en application de la loi de mensualisation, mais aussi au-delà, conformément à l’article 84 de la Convention collective nationale FHP. Cette seconde période constituant, selon la Cour, des garanties incapacité et non du maintien de salaire conventionnel. Par conséquent, la société relevant de la Convention collective nationale FHP n’était pas fondée à solliciter l’exonération totale de CSG/CRDS au titre de la contribution patronale au régime de prévoyance. En effet, la part afférente à la couverture des garanties incapacité devait être assujettie.
Lorsque le contrat d’assurance couvre à la fois des garanties maintien de salaire (légal ou conventionnel) mais aussi incapacité, l’entreprise concernée et son organisme assureur doivent alors opérer une ventilation entre la part de la cotisation d’assurance assujettie et celle qui ne l’est pas.