Les aidants, un enjeu de société

10 avril 2024

Soutenir les aidants

Dans une société où le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques posent de nouveaux défis, les aidants représentent un véritable phénomène de société. En France, ils sont plusieurs millions à se dévouer au quotidien pour accompagner un proche. Isolement, épuisement, manque de reconnaissance… Ce rôle entraîne des répercussions significatives sur la vie professionnelle.

Selon l’INSEE, entre 8 et 11 millions de Français sont aidants, un phénomène amené à s’amplifier avec le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Les aidants fournissent un soutien indispensable, couvrant un large éventail de besoins : soins personnels, tâches ménagères, gestion des rendez-vous médicaux, support émotionnel… Une charge qui s’ajoute aux obligations personnelles et professionnelles, engendrant une pression considérable.

 

Vers une plus grande reconnaissance des aidants

En France, le rôle des aidants est reconnu et défini par la loi comme « une aide, régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir des actes ou des activités de la vie quotidienne d’une personne en perte d’autonomie, du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap ». Cette définition met en évidence la nature non rémunérée de l’aide apportée, soulignant ainsi l’engagement personnel et le dévouement des aidants envers leurs proches.

La reconnaissance légale des aidants a évolué au fil des ans, avec notamment la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015 qui a marqué une étape importante. Ce texte a notamment permis de mieux reconnaître le statut des aidants, en leur offrant un cadre plus clair et en les intégrant davantage dans les dispositifs de soutien social et médico-social.

Des dispositifs, tels que le congé de proche aidant, permettent aujourd’hui une certaine flexibilité dans le monde du travail pour ceux qui doivent concilier emploi et responsabilités d’aidant. En effet, 61 % des aidants travaillent, ce qui représente environ 15 % des salariés.

 

Concilier aide familiale et vie professionnelle

De nombreuses études révèlent la difficulté de concilier responsabilités d’aidant et obligations professionnelles. Les aidants doivent en effet jongler avec les demandes de temps et d’énergie requises par les soins à apporter à leur proche et leurs engagements professionnels, ce qui peut mener à un épuisement physique et émotionnel. Par ailleurs, les modifications nécessaires de l’organisation du travail, telles que la réduction des heures de travail, les absences en urgence, ou le besoin de flexibilité dans les horaires, ne sont pas toujours possibles dans tous les environnements de travail.

D’après une étude de BPCE L’Observatoire, 43 % des aidants en activité professionnelle déclarent avoir modifié leur organisation de travail. Ces travaux montrent également que les femmes aidantes sont plus susceptibles de réduire leur charge de travail, optant souvent pour des postes à temps partiel (29 % d’entre elles, contre 13 % des hommes aidants). Par contraste, les hommes aidants tendent à ajuster leur planning et à privilégier le télétravail. Les femmes interrompent également plus souvent leur carrière pour prendre soin d’un proche dépendant : 80 % d’aidants au foyer sont des femmes, parmi lesquelles 43 % ont cessé leur activité professionnelle pour se consacrer pleinement à leur proche. Enfin, de manière générale, le rôle d’aidant apparaît comme un obstacle à l’avancement professionnel, 44 % des aidants actifs estimant avoir dû passer à côté de promotions ou d’autres avancées de carrière en raison de leurs responsabilités d’aidants.

Cette situation met en évidence la nécessité d’une prise de conscience et d’un soutien accru des employeurs pour accompagner les aidants.

 

Conseils pratiques

Comment soutenir les aidants au travail ?

  • Être à l’écoute des besoins spécifiques.
  • Proposer des horaires de travail flexibles.
  • Faciliter l’accès au télétravail.
  • Informer les salariés de leur droit au congé de proche aidant et des modalités pour en bénéficier.
  • Organiser des sessions de formation pour sensibiliser l’ensemble des collaborateurs.
  • Former les aidants à des techniques de soin et de gestion du stress.
  • Adapter les postes de travail et des espaces de repos.
  • Encourager une culture d’entreprise où les aidants se sentent libres de discuter de leur situation sans crainte de stigmatisation ou de répercussions négatives
  • Désigner un salarié référent.
  • Centraliser et rendre facilement accessible les ressources utiles pour les aidants, notamment les contacts de l’Association Française des Aidants.
  • Offrir des parcours professionnels flexibles.

Zoom sur

Congé de proche aidant

Le congé de proche aidant permet à un salarié de suspendre son activité professionnelle pour prendre soin d’un proche. Ce congé est accessible sans condition d’ancienneté, mais il est, en règle générale, non rémunéré. La durée du congé peut atteindre trois mois. Il peut être renouvelé mais le congé ne peut pas dépasser 1 an sur l’ensemble de la carrière du salarié. Le congé de proche aidant ne peut pas être refusé par l’employeur et nécessite des justificatifs attestant de la situation de dépendance de la personne aidée.

Le mot du pro

Simon de Gardelle, directeur de l’Association Française des Aidants

Y a-t-il un intérêt à ce que les services RH aient connaissance des salariés qui sont aidants ?

Aujourd’hui, un salarié sur 5 est un proche aidant, et bientôt ce sera un salarié sur 4. Parmi eux, 2 aidants sur 3 estiment que cela a un impact sur leur vie professionnelle : fatigue, absences, stress… Il y a donc une contrainte d’articulation entre leur vie professionnelle et personnelle. C’est pour cela qu’il est important que l’entreprise ait identifié ses salariés aidants. Pour ce faire, l’employeur doit favoriser le dialogue, être en proximité avec les salariés, et chercher des solutions ensemble. L’employeur doit être en mesure d’aborder le sujet à tous les moments importants de la vie des salariés : recrutement, entretien annuel…

 

En quoi un employeur peut-il accompagner un salarié aidant ?

L’employeur peut apporter une souplesse dans l’organisation du travail. Il faut que le proche aidant se sente plus libre d’agir, et que ce soit plus facile pour lui de s’absenter, ou de recevoir/émettre un appel téléphonique par exemple. L’employeur doit aussi être à l’écoute des signaux faibles, comme les microretards. S’il en observe, cela doit éveiller sa vigilance et être plus attentif, favoriser l’échange afin de répondre à ses problématiques.

De manière générale, les RH doivent avoir une démarche globale d’information sur les possibilités que peuvent mobiliser les aidants : le congé de proche-aidant, le congé de solidarité familiale, le congé de présence parentale pour les enfants malades ou porteurs d’un handicap. Il y a aussi des solutions internes, comme le don de jours de repos par certains salariés. Mais aussi le télétravail, l’aménagement des horaires, les autorisations d’absence. Les RH doivent aussi informer sur les solutions externes, les dispositifs mis en place et les structures existantes. Mais ça, ce n’est possible que lorsque les aidants se sentent en confiance, libres d’échanger, et connaissent la démarche active entamée sur ce thème par leur employeur.

Cette démarche a également un impact positif sur la marque employeur, sur la QVCT et pour leur engagement sur la RSE.

 

Quel est le rôle de l’Association Française des Aidants ?

Nous avons 3 rôles. D’abord, nous militons pour la reconnaissance de la place et du rôle des proches aidants dans notre société. Le second « pilier », c’est le pôle aidant où nous organisons des formations pour les aidants. Il y a aussi les Cafés des aidants®. Ce sont des réunions mensuelles, partout en France. Il y en a actuellement près de 300. Ils sont animés par un travailleur social et un psychologue. C’est un moment d’échange et de convivialité où les personnes peuvent partager les bonnes pratiques, mais aussi échanger sur leurs difficultés. Nous les déclinons aussi en entreprise. Et enfin, le dernier « pilier » est notre centre de formation. Nous formons les professionnels du médico-social pour qu’ils accompagnent au mieux les aidants. Nous intervenons aussi en entreprise pour former et organiser des conférences de sensibilisation car beaucoup d’aidants ignorent qu’ils le sont.

 

Entretien recueilli par Sébastien VAUMORON, responsable prévention chez Collecteam

 

Nos rendez-vous

Webinaire « Comment accompagner les aidants » en direct de l’Association Française des Aidants

> Lundi 22 avril à 12h00

Café prévention : venez échanger en visio avec notre responsable prévention sur les sujets de votre choix

> Mardi 23 avril

> Mardi 7 mai 

Pour aller plus loin, visionnez notre vidéo dédiée :