Retour à l’emploi après une longue maladie : guide pratique pour un accompagnement réussi

10 avril 2025

Le retour au travail après une longue maladie est une étape qui peut s’avérer délicate pour le collaborateur concerné. Pourra-t-il reprendre ses activités ? Comment sera-t-il accueilli par ses collègues ? Pour l’entreprise, l’enjeu est de faciliter cette transition, pour qu’elle se déroule au mieux, tout en préservant l’équilibre de l’équipe et la performance collective. Une reprise mal gérée, trop chargée, peut en effet entraîner une rechute ou une démotivation. De la préparation à la reprise complète de l’activité professionnelle, zoom sur ce moment charnière.

 

Préparer le retour : anticiper pour mieux accueillir

 

L’entretien préparatoire avec le manager, premier contact essentiel

Dès que le collaborateur est en mesure de reprendre le travail, un entretien informel avec son manager peut être organisé. Généralement envisagé quelques semaines avant la date de retour prévue, ce point doit être mis en place avec l’accord du collaborateur en arrêt. Ce contact précoce permet :

  • de maintenir le lien professionnel sans faire peser de pression ;
  • de recueillir ses appréhensions et ses attentes ;
  • de présenter brièvement les changements survenus pendant son absence ;
  • d’évoquer les modalités pratiques envisageables pour sa reprise.

Conseil pratique : organiser cet entretien dans un lieu neutre, comme un café à proximité de l’entreprise, permettra de créer une atmosphère plus détendue et confidentielle. Le manager devra adopter une approche bienveillante, centrée sur l’écoute, afin que le collaborateur se sente en confiance.

 

La visite de pré-reprise, pour anticiper les besoins d’adaptation du poste

Dès lors que l’absence du collaborateur est supérieure à 30 jours, une visite de pré-reprise avec la médecine du travail peut être envisagée. Celle-ci peut être demandée par le collaborateur, son médecin traitant, le médecin du travail référent ou le médecin conseil de la Sécurité sociale[1].

Cette consultation permet d’évaluer l’état de santé du collaborateur et d’identifier les éventuels aménagements nécessaires : adaptation du poste de travail ou des missions, reclassement, formation professionnelle, etc. Le médecin du travail formule alors des recommandations qui serviront de base à l’organisation du retour.

 

Sensibiliser les équipes et managers concernés

 

Il est important de prendre le temps d’informer l’équipe du retour de leur collègue, tout en respectant la confidentialité médicale. Ainsi, une communication factuelle, sans donner de détails est à privilégier. Ce moment peut être l’occasion de rappeler quelques principes de bienveillance, en recommandant, notamment, d’éviter les questions intrusives.

Si besoin, le manager doit pouvoir être formé sur ces sujets, afin qu’il puisse proposer un accompagnement adapté.

 

Le Jour J : faciliter la reprise du travail

Le premier jour est déterminant dans le processus de réintégration. Pour le collaborateur, cette journée façonne la suite de sa reprise, influençant directement son sentiment d’appartenance et sa confiance dans la capacité de l’entreprise à l’accompagner. Une première impression positive facilite considérablement la réadaptation à long terme.

Quelques gestes simples peuvent faire la différence :

  • s’assurer en amont que le poste de travail est prêt et fonctionnel ;
  • prévoir un accueil personnalisé par le manager ;
  • organiser un petit moment convivial (café d’accueil, déjeuner d’équipe).

 

Adapter le rythme de travail

 

La visite de reprise, examen médical obligatoire

Cet examen médical est obligatoire dans les cas suivants :

  • absence pour maladie professionnelle ;
  • absence d’au moins 30 jours à cause d’un accident du travail ;
  • absence d’au moins 60 jours pour à cause d’une maladie ou d’un accident non professionnel ;
  • absence après un congé maternité.

Il doit s’effectuer le jour de la reprise du travail ou dans un délai de huit jours suivant celle-ci. L’objectif : vérifier si les conditions de santé du collaborateur lui permettent de reprendre ses activités professionnelles, et proposer des aménagements ou un reclassement si ce n’est pas le cas[2].

 

Une remise à niveau progressive

La reprise d’activité doit être graduée pour permettre au collaborateur de retrouver ses repères. Les premiers jours sont ainsi allégés, pour lui laisser le temps de prendre ses marques. Des points de mise à jour sur les projets en cours peuvent être prévus, afin de le tenir au courant des changements et sujets du moment.

Le temps partiel thérapeutique, un outil précieux

Ce dispositif de reprise progressive peut être prescrit par le médecin traitant à la suite d’un arrêt maladie ou d’un accident du travail. Il peut également concerner les personnes atteintes de maladie longue ou chronique, sans qu’elles aient effectué un arrêt de travail au préalable.

Le temps de travail est déterminé par le médecin traitant en fonction de l’état de santé du collaborateur et des spécificités de son poste. Dans le secteur privé, ce dispositif s’étend sur 6 mois et peut être renouvelé une fois. Pour la fonction publique, la durée initiale est de 3 mois, renouvelable jusqu’à trois fois[3]

Les aménagements pratiques du poste de travail

En fonction des recommandations du médecin du travail, différentes adaptations peuvent être nécessaires :

  • ergonomie du poste (siège adapté, écran réglable, etc.) ;
  • horaires aménagés (éviter les heures de pointe dans les transports) ;
  • réduction temporaire des déplacements professionnels.

 

Un accompagnement pensé dans la durée

 

Le suivi régulier, garant d’une reprise réussie

Un accompagnement structuré se traduit également par un suivi régulier, qui doit être pensé en amont. Par exemple, peuvent être envisagés :

  • des entretiens hebdomadaires pendant le premier mois avec le manager direct ;
  • un échange mensuel avec le responsable RH durant la période d’adaptation ;
  • des visites de suivi avec le médecin du travail.

Ces moments permettent d’évaluer l’adéquation entre les capacités du collaborateur et les exigences du poste, et d’ajuster si nécessaire.

 

Formation et actualisation des compétences

Après une longue absence, une remise à niveau des compétences est souvent nécessaire. En fonction des besoins ressentis par le manager (et partagés par le collaborateur), plusieurs formules peuvent être proposées :

  • des formations ciblées sur les nouveaux outils et processus ;
  • l’accès à des ressources en ligne pour un apprentissage au rythme du collaborateur ;
  • un tutorat par un collègue sur les méthodes utilisées.

Adapter l’accompagnement selon les situations spécifiques

Burn-out, maladie chronique, séquelles physiques… Certaines situations exigent un accompagnement personnalisé plus poussé. Dans ce cas-là, le retour demande une vigilance d’autant plus accrue, ainsi que des aménagements de postes plus conséquents. En fonction des situations, la médecine du travail, l’Agefiph ou encore Cap Emploi peuvent être mobilisés.

Accompagner efficacement le retour d’un collaborateur après une longue maladie est un véritable investissement, mais permet au collaborateur de retrouver ses marques sereinement. Pour l’entreprise, il s’agit de maintenir la cohésion d’équipe, tout en fidélisant ses talents, pour lesquels elle montre sa disponibilité et sa capacité d’écoute. Attention toutefois : l’accompagnement ne doit pas se transformer en surveillance ou en traitement d’exception. Il est donc important de trouver le juste équilibre, pour accompagner sans surprotéger. La clé du succès réside dans un accompagnement sur mesure, une coordination fluide entre les différentes fonctions impliquées (management, équipes RH, médecine du travail), ainsi qu’un suivi régulier !

 

[1] « Un salarié doit-il passer une visite médicale après un arrêt de travail ? », service-public.fr, 25/08/23.

[2] « La visite de pré-reprise et la visite de reprise », travail-emploi.gouv.fr, 06/04/22.

[3] Thomas Chouanière, « Tout savoir sur le mi-temps thérapeutique », caf.fr, 2006/24.

Le mot du pro

Cécile PRIOUL, fondatrice et dirigeante de Ça ira encore mieux demain
cairaencoremieuxdemain.com

Quelles difficultés rencontrent les personnes qui reprennent leur travail après un arrêt long ?

L’arrêt maladie longue durée est défini par l’assurance maladie comme une interruption de travail d’une durée prévisible de plus de 6 mois. En 2025, 1 salarié français sur 4 est touché par une Affection Longue durée. L’ALD est une maladie dont le traitement est long, lourd et coûteux. Bien évidemment, que la maladie soit physique comme un cancer, une hépatite, un diabète ou qu’elle soit psychique telle que la dépression, la bipolarité ou encore l’épuisement professionnel, elle laisse des cicatrices sur le parcours de vie. Souvent, les personnes accompagnées nous disent qu’« il y a un avant et un après ». En effet, la maladie déconstruit beaucoup la confiance en soi car le corps montre de la vulnérabilité, et il n’est alors plus capable de faire ce qu’il faisait avant, comme avant ou comme les autres peuvent encore le faire… La maladie déconstruit aussi des certitudes ou des espoirs professionnels. Elle impose également des reconstructions : prendre plus de hauteur, réévaluer les priorités, composer avec les jugements.

Quelle est la clé d’une reprise réussie ?

L’étude Vican 2 (2 ans après un diagnostic de cancer https://www.ipsos.com/fr-fr/vican2-la-vie-2-ansapres-un-diagnostic-de-cancer) et Vican 5 (5 ans après le diagnostic) s’est intéressée à l’impact du cancer sur différents aspects de la vie quotidienne, et notamment sur la vie professionnelle. Après 6 mois d’arrêt, seulement 1 salarié sur 2 en capacité de retravailler, reprend le chemin du travail. Sur ces actifs, sans accompagnement, 50 % connaitront des absences dans l’année qui suit leur reprise. Sur la base des critères Vican 2, une caisse d’assurance maladie a montré qu’avec un accompagnement au retour à l’emploi adapté, 87 % des personnes accompagnées ont repris leur travail au lieu d’une sur deux, et 91 % d’entre elles n’ont pas connu d’absence dans l’année de leur reprise contre seulement 50 % sans accompagnement.

Et l’étude Vican 5 a réinterrogé les salariés 5 ans après leur diagnostic. Alors qu’ils témoignaient globalement d’un bon ré-accueil par leur entreprise, ils constatent cependant que leur trajectoire professionnelle est figée par rapport à celle des collègues bien portants. Il est donc important de proposer un accompagnement du salarié/agent, mais aussi du management.

Le manager ou la RH ont-ils le droit de garder le lien avec le salarié en arrêt ?

Le droit du travail et la jurisprudence sont plus souples qu’on ne le croit souvent. En effet, comme l’arrêt maladie suspend le contrat de travail, on croit souvent qu’aucun contact n’est possible avec le salarié durant son arrêt. La loi dit que l’on peut prendre contact pour parler du travail (demander des codes d’ordinateur, l’avancée d’un dossier) dans les 15 premiers jours d’arrêt. En revanche, prendre des nouvelles reste possible. Dans ce sens, et afin de prévenir la désinsertion professionnelle, la loi Santé et travail de 2022, a créé le rendez-vous de liaison qui peut être mis en place pour les arrêts de plus de 30 jours.