Sensibiliser, adapter, accompagner : les clés pour inclure le handicap invisible en entreprise

6 janvier 2025

Le handicap invisible

En France, 80 % des handicaps sont invisibles, ce qui concerne près de 10 millions de personnes¹. Une réalité qui pose des défis majeurs en entreprise. Troubles psychiques, maladies chroniques ou invalidantes, comment identifier ces situations méconnues ? De quelles manières accompagner les collaborateurs concernés ?

Le handicap invisible n’est pas décelable, ou difficilement décelable, à première vue. Il recouvre une grande diversité de situations. Parmi ses formes principales, on retrouve les handicaps mentaux, les handicaps psychiques, les maladies invalidantes, les troubles musculosquelettiques ou encore les troubles spécifiques du langage et des apprentissages². L’autisme, la dépression, le diabète, l’asthme, les lombalgies chroniques ou encore la dyslexie sont ainsi autant de handicaps invisibles, qui revêtent des réalités variées.

 

1. « Les handicaps invisibles », Ministère de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, 14/12/2024.

2. « Reconnaître un handicap invisible », L’Assurance Maladie Paris, 09/05/2023.

 

Le handicap invisible, un défi silencieux aux multiples répercussions

En France, 2,7 millions de personnes étaient titulaires d’une reconnaissance administrative de handicap (RQTH) en 2021³. À ce chiffre s’ajoutent de nombreux handicaps non déclarés – ce qui est d’autant plus vrai pour les handicaps invisibles – que cela soit par méconnaissance, complexité des démarches ou peur d’être stigmatisé.

Pour les personnes porteuses d’un handicap invisible, le quotidien en entreprise peut s’avérer difficile. Cette invisibilité est source de nombreuses difficultés. Il peut être compliqué pour les collaborateurs concernés d’expliquer leurs besoins et d’obtenir des aménagements sans dévoiler des éléments relevant de l’intime. La crainte des répercussions sur leur carrière peut également être un frein à la libération de leur parole. Quand le handicap est révélé, les incompréhensions sont fréquentes : il est compliqué, de l’extérieur, de comprendre les conséquences réelles de cette situation sur le quotidien. Le manque d’information et de sensibilisation peut également conduire à des jugements erronés.

Pour l’entreprise, un handicap non pris en compte est un facteur de risque important. En effet, il peut dégrader la santé et la qualité de vie au travail des collaborateurs concernés. À cela s’ajoutent des conséquences directes en termes d’absentéisme, de turnover et donc, de perte de productivité.

Cette situation est d’autant plus problématique dans un contexte de pénurie de talents, où les entreprises ne peuvent se permettre de se priver des compétences des collaborateurs concernés. La mise en place d’une politique d’inclusion ambitieuse et proactive est devenue un impératif stratégique, à la fois éthique, légal et économique.

 

3. « Les demandeurs d’emploi bénéficiaires d’une reconnaissance de handicap en 2020 », Pôle Emploi, novembre 2021.

 

Quelles obligations pour l’employeur ?

Toute entreprise employant au minimum 20 salariés depuis plus de cinq ans a pour obligation d’employer des travailleurs reconnus handicapés, dans une proportion de 6 % de son effectif⁴. Les entreprises ne respectant pas cette obligation sont tenues de verser une contribution financière annuelle à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), via l’Urssaf.

La loi oblige également les employeurs à prendre les mesures appropriées pour permettre à tous les collaborateurs en situation de handicap d’accéder à un emploi correspondant à leurs qualifications, de l’exercer et d’y progresser⁵. Les entreprises sont ainsi tenues d’aménager les postes de travail des personnes concernées, afin de leur donner les moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Dans ce contexte, les médecins du travail ont un rôle essentiel pour détecter et accompagner les collaborateurs concernés. Lors des visites médicales, ils peuvent ainsi préconiser des aménagements si le poste n’est pas compatible avec l’état de santé. Les collaborateurs et les employeurs peuvent également solliciter les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) pour faire reconnaître le handicap et obtenir un accompagnement.

 

4. « Emploi des travailleurs handicapés : quelles sont vos obligations ? », Bercy Infos, 21/22/2023.

5. Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances pose le principe de non-discrimination.

 

Vers une entreprise inclusive : les leviers d’action face aux handicaps invisibles

  • Sensibiliser et former les équipes

Moins de 10 % des personnes interrogées lors de la 5e édition du baromètre réalisé par l’Agefiph savent que 80 % des handicaps déclarés sont invisibles⁶. Ce chiffre démontre l’importance de former et sensibiliser tous les acteurs de l’entreprise à une meilleure détection et inclusion du handicap invisible. Qu’il s’agisse des professionnels des ressources humaines ou des managers, chacun a son rôle à jouer pour que les personnes concernées aient accès à l’emploi et puissent évoluer au sein de l’entreprise dans de bonnes conditions.

Pour former les équipes, des ateliers de sensibilisation peuvent par exemple être organisés afin d’aider à mieux détecter les signes de difficultés, qui sont parfois très discrets : lenteur, absentéisme ou encore difficultés relationnelles… Face à ces situations, les managers doivent adopter les bons réflexes : écoute bienveillante, confidentialité des échanges, et orientation vers les acteurs clés, comme le médecin du travail ou les équipes des ressources humaines.

 

  • Adapter l’environnement et l’organisation du travail

En fonction des besoins exprimés par les collaborateurs, concernés et les préconisations du médecin du travail, des aménagements individuels doivent être proposés, qu’il s’agisse de mobilier ergonomique, d’appareillages, de logiciels adaptés, de télétravail, d’horaires aménagés ou encore de la mise en place d’un temps partiel thérapeutique ou d’une aide au transport.

L’organisation du travail en elle-même doit être repensée en fonction des situations : adaptation des missions, pauses régulières, autorisation d’absence pour les soins médicaux… Ces aménagements doivent être régulièrement réinterrogés et ajustés, en fonction des besoins du collaborateur, qui peuvent évoluer.

 

  • Instaurer un climat de confiance et libérer la parole

Pour les collaborateurs, partager sa situation avec son employeur peut être difficile. Il est donc primordial d’encourager la libération de la parole, mais également de respecter la vie privée du collaborateur. Désigner des référents handicaps, formés sur ce sujet, pourrait ainsi faciliter les échanges. En parallèle, le manager doit assurer un suivi régulier avec les collaborateurs concernés. Rappeler que des aménagements sont possibles et que le collaborateur est en droit de les demander.

 

6. « La perception de l’emploi des personnes en situation de handicap », 5e édition du baromètre de l’Agefiph – Ifop auprès des entreprises, du Grand Public, des salariés et des personnes en situation de handicap, décembre 2022.

Bon à savoir

Les entreprises ont accès à de nombreuses ressources afin d’accompagner les collaborateurs en situation de handicap. L’Agefiph, propose des aides financières pour l’aménagement des situations de travail, la formation et la sensibilisation des équipes, ou pour compenser les surcoûts liés à l’emploi de personnes handicapées. Cap Emploi ou les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) peuvent conseiller les entreprises et faciliter l’intégration et le maintien dans l’emploi des personnes concernées.

Face au handicap invisible, les entreprises ont leur rôle à jouer pour permettre aux personnes concernées d’accéder à l’emploi, mais également de réaliser leurs missions dans de bonnes conditions : les leviers sont nombreux !

Le mot du pro

Olivier Thoby, Directeur Associé – Atouts & Handicap met en œuvre de l’accompagnement et de la formation pour favoriser l’emploi et l’insertion des personnes en situation de handicap.

Les personnes qui se déplacent en fauteuil sont bien identifiées comme personnes ayant un handicap, mais on parle également de plus en plus du handicap invisible. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

On considère comme handicap invisible, toute problématique de santé qui a pour conséquence une limitation d’activité ou une restriction de participation et qui ne présente pas de stigmates. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun signe visible mais ils ne sont pas assez significatifs pour permettre un diagnostic. Parmi les situations les plus fréquentes, on retrouvera les déficiences sensorielles, les déficiences psychiques, les troubles cognitifs et les maladies invalidantes.

Longtemps ignoré ou considéré comme « moins grave » (en rapport au taux d’incapacité), l’approche situationnelle du handicap portée par la loi du 11 février 2005 a permis d’améliorer sa prise en compte.

 

Quel est l’intérêt pour le service RH et pour le collaborateur d’en parler ?

L’absence de stigmates significatifs ne veut pas dire absence de manifestations. Pour la personne, le principal intérêt de communiquer sur sa situation est de limiter le risque de jugement et d’interprétation de la part du collectif ou du supérieur hiérarchique. Par exemple, un collaborateur ayant une maladie invalidante faisant face à une grande fatigabilité pourrait être perçu comme un collègue fainéant.

Pour le service RH, l’intérêt est double. L’ouverture de la discussion va permettre d’amorcer l’analyse des besoins du collaborateur et d’évaluer l’impact global du problème de santé sur son activité. En identifiant les actions à mettre en œuvre pour limiter l’impact de la problématique, cela va permettre d’assurer l’opérationnalité du collaborateur sur son poste de travail. In fine, ce collaborateur est potentiellement un bénéficiaire de l’obligation d’emploi (travailleur handicapé). Il peut donc être intégré à la DOETH et améliorer la réponse à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés.

 

Comment l’accompagner ?

Le processus d’accompagnement s’inscrit dans la durée et doit respecter plusieurs étapes. La chose la plus importante est d’amorcer l’accompagnement le plus tôt possible. Dans un premier temps, le diagnostic médical relatif à la nature des restrictions observées devra être réalisé. En fonction des éléments recueillis, l’accompagnement à la reconnaissance du handicap pourra être nécessaire. En effet, ce statut va permettre la mobilisation de prestations et d’aides pour financer les actions à mettre en œuvre. L’employeur n’est pas tenu de posséder toutes les ressources en interne mais il doit connaitre les ressources mobilisables pour réaliser les expertises, financer le matériel ou les interventions de spécialistes.

Pour finir, une fois les modalités d’adaptation identifiées, la question de l’accompagnement et de la sensibilisation du collectif de travail et du manager devra être traitée. Ils sont un maillon essentiel de la réussite du processus d’accompagnement. On peut penser que l’accompagnement se termine une fois l’adaptation du poste effectuée. J’aurais tendance à croire que c’est à ce moment que tout commence !

Nos rendez-vous

Webinaire : « Le handicap invisible » avec Olivier THOBY, Directeur Associé – Atouts & Handicap met en oeuvre de l’accompagnement et de la formation pour favoriser l’emploi et l’insertion des personnes en situation de handicap.

Mardi 21 janvier 2025 à 11h

Café prévention : échangez en visio avec notre responsable prévention sur des thématiques libres de votre choix

Lundi 13 janvier à 12h

Lundi 27 janvier à 12h